La prévention est une approche active de lutte contre la dermatite atopique (DA). En fait, différentes études ont établi une corrélation entre l’altération de la fonction barrière et le risque de DA1-3. En effet, en examinant la perte hydrique transépidermique (PHTÉ) comme paramètre fonctionnel de la barrière chez des nourrissons de 2 jours, Kelleher et coll. ont établi une corrélation selon un facteur de 7,1 en ce qui concerne l’apparition de la DA à l’âge de 12 mois chez les sujets dont la PHTÉ se situait dans le quartile supérieur1. De même, les patients du quartile inférieur ont semblé bénéficier d’un effet protecteur contre la DA. Il faut également mentionner que la corrélation établie à partir de cette mesure précoce, à deux jours de vie, était indépendante du statut des sujets à l'égard des mutations de la filaggrine1. Ces observations donnent en outre à penser qu'il y aurait là une occasion de prévenir la DA.
Des essais randomisés et contrôlés portant sur des nourrissons à risque élevé au cours de leurs premières semaines de vie ont montré qu’un traitement émollient dès la naissance représentait une approche faisable, sécuritaire et efficace pour prévenir la DA2,3. Un essai a montré une réduction de 50 % du risque relatif (IC à 95 %, 0,28-0,9; P = 0,017) par rapport au placebo à l’âge de 6 mois avec l'application d’un traitement émollient sur tout le corps2. Un autre essai a montré des résultats similaires avec une réduction de 32 % du nombre d'enfants traités par émollient ayant présenté une DA (P = 0,012) à l’âge de 32 semaines comparativement au placebo3. Donc, si cela se confirmait dans le cadre d’études plus volumineuses, le traitement émollient dès la naissance serait une intervention simple et économique pour réduire le fardeau global associé aux maladies allergiques.
Pour tenter de contrer l’apparition de la DA, des recherches ont porté sur les déficiences cutanées et leur correction. Eskai et coll. ont procédé à une étude pour quantifier la filaggrine chez des adultes et des enfants souffrant de DA, et ils ont démontré que, malgré une régulation à la baisse typique chez les patients adultes atteints de DA, l'expression de la filaggrine était similaire chez les enfants atteints de DA et les enfants en bonne santé4. On en conclut que le déficit en filaggrine ne poserait pas problème dans la DA infantile précoce (à moins d’une mutation), alors que chez l'adulte, elle pourrait être le reflet d’une exposition chronique à des cytokines et au S. aureus.
Une analyse plus approfondie des altérations de la barrière a révélé que les patients atteints de DA présentaient un taux de lipides nettement moindre au niveau de la couche cornée de la peau lésée et non lésé5.
Les inhibiteurs de la phosphodiestérase 4 (PDE4), comme le crisaborole, empêchent la dégradation de l’AMPc en AMP6. Les taux élevés d’AMPc intracellulaires activent la protéine kinase A et suppriment la transcription des cytokines pro-inflammatoires6. Deux essais de phase 3 (NCT02118766 et NCT02118792) ont démontré l’efficacité du crisaborole7. Une amélioration de 30 % a été observée à 4 semaines pour ce qui est de l'évaluation globale statique par l’investigateur (ISGA) dans les deux études, de même que des améliorations du prurit, comparativement au placebo. L’amélioration induite par le crisaborole a été définie comme un score ISGA de 0 (élimination des lésions) ou 1 (quasi-élimination des lésions) au jour 29, avec une amélioration de 2 points ou plus par rapport aux valeurs de départ7.
On a aussi recueilli des données sur l’innocuité du crisaborole administré par voie topique à des enfants et des adolescents8,9. On a fait état d’élévations minimes voire nulles des taux sanguins et d’une absence de problèmes d’innocuité cliniquement importants. En terminant, dans l'étude ouverte de 48 semaines sur l’innocuité, une sensation de brûlure ou de picotements au point d'application a été l’effet indésirable le plus fréquent en lien avec le traitement (EILT), observé chez 2,3 % du groupe sous crisaborole10.
Le crisaborole est le premier inhibiteur de la PDE4 topique à avoir été approuvé par la FDA, et d'autres sont actuellement en voie d’être mis au point, notamment (consulter https://clinicaltrials.gov/ pour des études sur ces inhibiteurs de la PDE4):
Les inhibiteurs JAK1, comme le tofacitinib, ont montré une efficacité précoce lors du traitement topique de la DA. Une étude de quatre semaines, de phase IIa, randomisée, à double insu, avec témoins sous excipient (NCT02001181) auprès de 69 adultes atteints de DA de légère à modéré a fait état de l’efficacité significativement plus grande de l'onguent de tofacitinib comparativement à l’excipient, avec un début d’action rapide et un profil d’innocuité/tolérabilité local comparable à celui de l’excipient11. On a noté une absorption systémique détectable limitée, des EILT rares, l’absence d’effets indésirables graves et d’abandons dus aux EILT. Le changement moyen en pourcentage à la Semaine 4 par rapport aux valeurs de départ pour ce qui est du score EASI (Eczema Area and Severity Index) a été significativement plus grand (P < 0,001) avec le tofacitinib (- 81,7 %) vs excipient (-29,9 %). Portée statistique additionnelle et autres observations:
Score d’évaluation globale par les médecins (PGA) aux Semaines 1 et 4 (55 % avec tofacitinib, P < 0,001 à la Semaine 4)
Surface corporelle (SC) à la Semaine 4 (45 % avec tofacitinib, P < 0,001)
Résolution des démangeaisons démontrée dès le Jour 2 et significative dès la Semaine 4 (P < 0,001).
L’onguent de JTE-052, un inhibiteur pan -JAK, donne aussi des résultats similaires pour la DA dans une étude de phase II, multicentrique, randomisée avec témoins sous excipient (JapicCTI-152887)12. Avec une administration b.i.d. pendant 4 semaines chez 327 patients, 23 % des patients recevant la dose la plus élevée (3 %) ont obtenu un ISGA de 0 ou 1, avec une amélioration ≥ 2, vs 3 % avec l’excipient (P = 0,04). Quatre-vingt-dix pour cent de ces patients présentaient une maladie modérée. Le score EASI modifié (EASIm) a aussi été statistiquement significatif avec toutes les doses de JTE-052, avec une réduction du score EASIm de -42 (0,25 %) à -73 (3 %) (tous P < 0,001) vs excipient (- 12). La réduction des démangeaisons diurnes et nocturnes a aussi été significative (P < 0,001) avec toutes les doses. Le score à l’échelle d'évaluation numérique du prurit a aussi diminué dès le premier jour, au coucher. L'onguent de JTE-052, à des doses allant jusqu'à 3%, s’est révélé sécuritaire et bien toléré.
En terminant, le tapinarof (GSK2894512) est un traitement topique d’origine naturelle doté d’une efficacité avérée chez les patients souffrant de psoriasis et de DA13. Les propriétés anti-inflammatoires de ce médicament sont médiées par l'activation du récepteur de l’aryl hydrocarbone (AhR). En tant qu’agoniste de l’AhR, le tapinarof favorise l'expression des protéines barrière et a des propriétés et des effets similaires à ceux du goudron de houille sans les inconvénients associés à son utilisation. Le traitement topique par tapinarof chez des souris ayant des taux d’AhR suffisants donne lieu à des réductions de l'érythème, de l'épaississement de l’épiderme et des taux de cytokines tissulaires13.
Intérêts concurrents: La présentatrice a signalé avoir agi à titre de consultante pour Eli Lilly, Galderma, Genentech, GSK-Stiefel, Novartis, Pfizer, Sanofi-Regeneron et Valeant et est actuellement investigatrice pour Galderma, Incyte, Lion, Pfizer, Regeneron.
Rédigé par: Debbie Anderson, PhD
Révisé par: Victor Desmond Mandel, MD